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Interview d'Hubert Landier : la performance sociale en période de transformation

Interview d'Hubert Landier : la performance sociale en période de transformation

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Avec la crise de la COVID-19, les finances des entreprises ont été mises à rudes épreuves, tout comme les collaborateurs. Expert en relations sociales, Hubert Landier a accepté de répondre aux questions d'Andjaro, pour vous partager ses préconisations afin d’éviter que la performance économique ne fasse au détriment de la performance des ressources humaines.

Quel regard portez-vous sur la performance sociale des entreprises ?

Les entreprises qui se montrent déficientes sur le plan humain et social valorisent la dimension financière ou technologique. C’est pour moi une erreur de ne pas accorder suffisamment d'importance au capital humain. Négliger les facteurs de risques sociaux entraîne un coût mal estimé.

Je les regroupe en trois catégories. D’abord, la grève, qui est le degré le plus élevé. Pour atteindre ce risque de conflit collectif, cela veut dire que l’entreprise a laissé arriver une situation extrêmement dégradée avec, par exemple, des réductions d'emploi. Ensuite, il y a le risque réel, beaucoup moins visible et plus coûteux : l'absentéisme, les problèmes médicaux, les accidents du travail… C’est une zone de gris où la personne a le choix entre aller au travail, parce que ça l'intéresse, et qu’elle sait qu'on a besoin d'elle, et rester chez elle avec un arrêt maladie. Enfin, il y a le désengagement, et l'absence de proactivité. C’est la marque qu’un collaborateur ne croit pas en son entreprise.

Finalement, tous ces comportements reviennent extrêmement chers à l'entreprise. Et en particulier quand elle est en période de transformation : elle a besoin que chacun de ses collaborateurs participe, s’implique et fasse preuve de bonne volonté. Tout peut être différent en valorisant le capital humain, le capital social de l’entreprise. 

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Est-ce que la crise sanitaire renforce cette prise en compte du capital humain ?

La période de crise sanitaire oblige l'entreprise à se transformer, mais pas forcément comme elle le voulait, car elle la subit. Dans ce contexte, pour sa performance économique, l’entreprise a besoin de mobiliser et de garder ses salariés engagés, pour préparer la reprise qui s’amorce enfin. Il y a encore quelques semaines, dans beaucoup d'organisations, les collaborateurs avaient le moral à zéro, face à une absence de perspectives à la fois pour eux-mêmes ou pour l'entreprise.

Pourtant, ce qui me frappe, c’est que dans le même temps, auprès des associations, des ONG, dans les hôpitaux, au contraire, les gens sont extrêmement mobilisés : dans une période de difficultés, leurs actions sont porteuses de sens. Si les personnels de santé se sont investis depuis le printemps 2020, comme ils l'ont fait, ça n'est pas dans l'espoir d'une prime, mais bien parce que cela fait partie de leur métier.

Il y a certainement des entreprises autres que le secteur de la santé ou de l’humanitaire où ce sens de la mission est très fort. Et ce sens de la mission, ça concerne tout autant les transporteurs que les éboueurs, et plus globalement, tous ces gens que l'on considère trop comme des petites mains. En réalité, tous ont eu et ont toujours eu un rôle indispensable pour que la France continue de tourner. Eux, ils trouvent véritablement du sens ! Et c'est cela qui va faire la différence avec les entreprises qui réussiront soit à continuer, soit à se relever, soit à développer leurs activités, parce qu'elles sont porteuses de sens. Pour celles qui sont moins porteuses de sens : le désengagement risque de s'aggraver encore.

Quels leviers activer pour donner du sens aux missions des collaborateurs ?

Je crois que cela passe par de l’autonomie, de la reconnaissance et des possibilités offertes à prendre des initiatives. Les collaborateurs sont tout à fait capables de se débrouiller par eux-mêmes. Nous en avons eu la démonstration avec le télétravail depuis mars 2020.

Auparavant, les entreprises y étaient très réservées et ne le proposaient que de façon très limitée dans un nombre lui-même limité d'entreprises. La crise sanitaire l’a généralisé et cela a fonctionné : les gens se sont débrouillés, parfois difficilement pour les moins autonomes, mais ils se sont débrouillés. Mais, ils ont certainement trop découvert qu’ils pouvaient se gérer eux-mêmes. Et certains managers également.

Pourtant, ce qui va être valorisé dans les années à venir dans les entreprises, c'est la capacité des managers à faire confiance à leurs équipes : juger ce qui est accompli dans la mission, mais pas la façon dont le temps est utilisé. Bien sûr, tout cela n’est pas inné, mais s'apprend. C'est beaucoup plus facile pour les générations montantes. Dans tous les cas, les entreprises vont devoir faire beaucoup de formation pour faire évoluer les comportements.

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En quoi cette approche des ressources humaines contribue-t-elle à la performance économique ?

Il faut que la direction générale, la direction financière des entreprises changent de point de vue. Leur comptabilité a tendance à considérer que l'argent consacré à la formation est un coût, quand l'acquisition d’une machine est un investissement. Les normes comptables ne correspondent pas à la réalité du développement ou des conditions du développement de l'entreprise.

Si je prends deux entreprises, strictement similaires, avec la même technique et les mêmes conditions financières et commerciales : l’une opte pour la formation, pas l’autre. Il est permis de penser que celle qui fait de la formation va mieux réussir que l'autre. Car, la crise sanitaire a obligé les entreprises à faire davantage confiance aux compétences que chaque collaborateur peut mettre en œuvre dans sa mission. Cela veut dire aussi qu'il faut qu’il connaisse véritablement son métier.

De même, l’entreprise tire un avantage, dans le temps, à valoriser les bonnes pratiques. Elle peut aussi développer, pour accueillir plus facilement les collaborateurs sur des missions sur une durée limitée, un guide d'accueil qui précise pour chaque tâche ce qui est attendu, une définition claire des enjeux, voire un échange téléphonique ou une visite de site préalable pour bien cadrer les choses. Là, l’entreprise cultive à la fois sa performance économique et bonifie son capital humain.

Merci à Hubert Landier pour cette interview.

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